Sommet des peuples - Pour poursuivre la «lutte» en faveur d’une «justice sociale et environnementale»
Parallèlement à la Conférence des Nations unies sur le développement durable, Rio de Janeiro accueille le Sommet des peuples depuis le 15 juin dernier. Organisé par la société civile et les mouvements sociaux, ce rendez-vous, qui se termine le 23 juin, se veut un contrepoids critique à Rio+20. Une importante délégation québécoise participe à ce rendez-vous plus libre et plus ouvert, dont la formule s’apparente à un Forum social mondial spécifiquement dédié à la question du développement durable.
Pendant que les chefs d’État se réuniront dans le cadre du Sommet de la Terre au RioCentro, un centre des congrès moderne et sécurisé, à une quarantaine de kilomètres de Rio de Janeiro, le parc du Flamengo, en plein cœur de la métropole brésilienne, vibrera au rythme du Sommet des peuples. Des dizaines de milliers de personnes sont attendues à cet événement. Katina Binette, chargée de programme à l’Association québécoise de coopération internationale (AQOCI), souligne que, « en matière d’organisation et d’enjeux, ça va être assez similaire » aux Forums sociaux mondiaux (FSM).
Même si des sommets alternatifs ont déjà été organisés par les mouvements sociaux parallèlement à d’autres grands sommets, comme ce fut le cas lors de certains Sommets des Amériques et Conférences sur le climat, Roger Rashi, coordonnateur des campagnes à Alternatives, assure que ce Sommet des peuples, qui s’est amorcé le 15 juin, n’a aucun précédent. « C’étaient généralement des regroupements de la société civile en opposition au processus, mais cela n’avait pas l’importance du Sommet des peuples, où un processus de mobilisation a été lancé au niveau mondial longtemps avant l’événement, avec l’objectif de produire des déclarations critiques concernant celle des Nations unies », précise-t-il.
Contrepoids
Cette fois-ci, les dates ont été savamment étudiées et furent même déplacées lorsque les Nations unies ont décidé de reporter de deux semaines leur Sommet de la Terre. Aujourd’hui, alors que s’amorce le blitz final de Rio+20, les organisateurs du Sommet des peuples préparent une Journée mondiale d’action, qui culminera par une gigantesque manifestation populaire dans les rues de Rio. Les assemblées des peuples ponctueront aussi l’événement par des rencontres ouvertes démarrant à partir de thématiques précises. Des déclarations seront produites quasiment chaque jour. Le 23 juin, au lendemain de la conclusion de Rio+20, une déclaration finale devrait être rédigée pour faire « contrepoids aux prises de décisions de l’ONU ». Des suggestions de campagnes pour poursuivre la « lutte » en faveur d’une « justice sociale et environnementale » devraient en émaner.
Depuis quelques mois, les organisateurs du Sommet des peuples critiquent le concept d’économie verte, qui constitue l’un des principaux thèmes sur lesquels s’appuie Rio+20. Selon eux, ce concept ne remet pas en question le système économique dominant, alors que le capitalisme actuel leur apparaît comme la cause structurelle des crises financières, écologiques et alimentaires secouant la planète. Selon Roger Rashi, l’ONU a repris l’idée d’une économie verte pour la « réinterpréter d’une façon plutôt néolibérale ». Il souligne que les principales inquiétudes des mouvements sociaux, à la lecture du document préparatoire de Rio+20, résident dans l’ouverture à la « marchandisation de la nature et au contrôle, par les grandes firmes internationales et les pays occidentaux, de tous les fonds qui seraient générés par la soi-disant transition vers une autre économie, ce qui renforcerait en fait les gens qui sont responsables de la crise ». De nombreuses préoccupations sont aussi soulevées par les organisateurs quant à la régression de la protection de droits acquis, tant ceux des indigènes comme des travailleurs, tout comme les droits, universels, à l’eau, à l’éducation, à l’alimentation et aux soins de santé, par exemple.
Participation québécoise
L’AQOCI estime qu’environ 200 Québécois participent à ce rendez-vous. Pour sa part, elle y mène une délégation de 16 personnes, en collaboration avec le Groupe d’économie solidaire du Québec (GESQ).
M. Rashi, à Alternatives, conduit, en coordination avec les YMCA du Québec et Unialter, un imposant groupe de 77 personnes. Des membres de l’AQOCI, du GESQ et des YMCA du Québec participeront aussi au Sommet officiel de Rio+20, puisque certains acteurs de la société civile ont obtenu leur laissez-passer. Ces derniers informeront les participants du Sommet des peuples au sujet de ce qui se déroule à l’intérieur du RioCentro. Des ponts seront donc construits entre les deux sommets, souligne Michel Forgues, directeur des initiatives communautaires et internationales au YMCA du Québec. « C’est essentiel qu’on soit à l’écoute de ce qui se dit dans le sommet officiel. Le but, ce n’est pas d’aller complètement contre le système officiel. C’est seulement de dire : “ Écoutez, il y a cette voix-là qui parle, mais la société civile a aussi d’autres idées qui sont importantes et qu’il faut écouter. ” Le but, c’est vraiment de faire entendre la voix de ceux qui n’ont pas le lutrin. »
Plusieurs événements auto-organisés, comme dans la formule éprouvée des FSM, ont été suggérés par les participants d’ici. Près de 2000 propositions d’activités auto-organisées auraient été envoyées depuis les quatre coins du globe, alors que seulement 700 peuvent se dérouler dans le cadre du Sommet. N’empêche, les Québécois semblent déterminés à apporter plusieurs débats d’ici dans la métropole brésilienne.
Roger Rashi mentionne que le Canada « est devenu un paria, au niveau international, sur la question de l’environnement. Dans ces sommets-là, ou dans toute autre réunion alternative, les gens veulent généralement savoir pourquoi. Comment se fait-il que ce gouvernement est rendu à l’opposé de ce qui faisait sa réputation ? »
Le 18 juin, une activité auto-organisée par Alternatives, intitulée « Résister contre l’assaut criminel du Canada sur l’environnement », abordait les sujets du retrait du protocole de Kyoto, des compagnies minières et des sables bitumineux. Le même jour, la délégation formée avec les YMCA et Unialter en a dédié une autre aux impacts du Plan Nord. Demain, des québécois participeront à une activité internationale sur les gaz de schiste.
L’AQOCI et le GESQ se concentrent sur les activités qui sont chapeautées sous le thème « Une nouvelle économie, un nouveau paradigme du développement ». Des rencontres avec des associations latino-américaines de commerce équitable sont déjà inscrites à leur ordre du jour.
Mais, pour plusieurs, le but premier reste d’échanger avec les organismes de la société civile « pour voir l’autre côté de la médaille au niveau de ce qui va être discuté à Rio+20 », soutient Michel Forgues. Au-delà des répercussions que pourrait avoir le Sommet des peuples sur les discussions tenues à Rio+20, Katina Binette rappelle que « l’impact est souvent au retour, avec l’information qui va être partagée dans nos milieux respectifs. [L’objectif], c’est de connaître le travail qui se fait ailleurs, pour parfois s’en inspirer et aussi créer des liens. »