RIO + 20 : le sommet politique démarre dans la controverse


Entité: 
Le Devoir
Date de la référence: 
21 Juin, 2012

Le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, a ouvert hier la portion politique de Rio+20 en se disant convaincu qu’un « accord historique » était à la portée des quelque 100 chefs d’État et de gouvernement s’ils approuvent l’entente de principe adoptée lundi par les délégués.

L’absence des Obama, Merkel et Cameron, notamment, qui ont tenté dans les deux derniers jours de relancer la « croissance » lors d’une réunion du G20 au Mexique, illustre bien à quel point cette même croissance, dont on tente à Rio de réduire les impacts sur la planète, a peu de chances de se retrouver au banc des accusés, comme le réclame une partie importante de la société civile qui doute qu’une « économie verte » puisse permettre de reprendre le contrôle du climat, restaurer la biodiversité, réduire la pauvreté et instituer un meilleur équilibre entre les hémisphères nord et sud.

Ban Ki-moon s’est dit d’avis que l’humanité avait maintenant une « deuxième chance », une admission explicite de l’échec de la conférence de Rio de 1992 et de ses deux conventions principales sur la protection du climat et de la biodiversité malgré 20 ans de négociations. Se disant convaincu que l’entente de lundi est « axée sur l’action », il a affirmé que « si ces actions sont entreprises et que des mesures de suivi sont mises en place, Rio+20 fera une énorme différence dans le monde ».

Comme éléments positifs de cette entente, le secrétaire général de l’ONU a mentionné l’établissement éventuel d’objectifs de développement durable sur le modèle de ceux du Millénaire, le concept « d’économie verte », le renforcement du Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE), la mise au point de mesures de suivi pour la performance des entreprises, l’élargissement du concept de PIB pour évaluer le bien-être d’une nation, l’idée de développer éventuellement une stratégie de financement du développement durable et d’accoucher d’un cadre de production et de consommation durable.

Ban Ki-moon a insisté sur le fait qu’aucun accord réunissant autant de parties et d’intérêts aussi différents ne peut être acquis sans compromis de tous. Mais, a-t-il conclu, « Rio+20 n’est pas une fin mais un début ». Dans la plénière, une étudiante néo-zélandaise de 17 ans, Brittany Trifold, a lancé aux 2000 délégués : « J’ai du feu dans mon coeur. Je suis en colère contre le monde […] Nous sommes ici pour régler les problèmes que nous avons causés. Êtes-vous ici pour sauver la face ou pour nous sauver ? » La jeune fille a été vivement applaudie par l’assemblée…

Une entente décevante

Pendant ce temps, hier encore, l’entente de principe de lundi a continué d’être descendue en flammes par de nombreux groupes écologistes et de la société civile qui y déplorent l’absence d’objectifs et d’échéanciers, qu’on a remplacés par des « processus », pour en définir plus tard, l’absence de décision pour lancer les négociations en vue d’un nouveau traité sur la gestion de la partie internationale des océans et la faiblesse des propositions touchant la gouvernance environnementale internationale.

Même le premier ministre, Jean Charest, s’est dit en partie déçu du résultat de la conférence de Rio+20 jusqu’ici. Le premier ministre québécois passe la semaine à Rio, où il participe à différentes activités en marge du sommet.

La Presse canadienne rapportait hier qu’au cours d’un point de presse, Jean Charest a déclaré qu’il aurait aimé que la déclaration officielle « aille plus loin », notamment dans les engagements qui auraient matérialisé le concept « d’économie verte ». Il a aussi regretté que le texte soit plutôt flou sur la place qu’occuperont l’environnement et le développement durable dans les institutions comme la Francophonie.

D’autre part, des milliers de femmes ont défilé hier dans les rues de Rio pour dénoncer le « capitalisme vert » que l’ONU proposerait sous la dictée des multinationales, une philosophie censée déboucher sur la « marchandisation de la nature » - la crainte de nombreux peuples autochtones - et la privatisation des services publics essentiels, comme l’eau, l’épuration, etc.

Désobéissance civile

Pour Kumi Naido, le directeur de Greenpeace international, le mouvement environnemental doit réaliser que, s’il a gagné des batailles, il a perdu la guerre de la protection environnementale avec des ententes comme celle de Rio+20, qui ne sont pour lui qu’un tissu de voeux pieux sans engagements concrets, mesurables. Il faudra, dit-il, revenir à la désobéissance civile, comme l’ont fait tous les vrais libérateurs, a-t-il déclaré au Guardian de Londres. Dans ce contexte, un groupe international comme Greenpeace va devoir changer de stratégie, a-t-il dit.

Les maires du C40 voyaient les choses d’un autre oeil. Ce réseau de 59 mégapoles se donne comme objectif de réduire ses émissions de GES de 1,3 milliard de tonnes (gigatonnes ou Gt) par année d’ici 2030 sur le total prévu de 2,9 Gt. C’est l’équivalent des émissions combinées du Canada et du Mexique. Ces 59 mégapoles émettent ensemble 14 % de tous les GES annuellement. La priorité des villes ira au contrôle des émissions de méthane des grands dépotoirs. Les méthodes et initiatives mises au point dans les grandes villes vont être rendues disponibles aux plus petites qui voudraient s’en inspirer.

Pour le président du C40, Michael Bloomberg, maire de New York, les élus municipaux vont devoir relever de plus en plus les défis que les gouvernements nationaux n’arrivent pas à assumer, car la moitié de l’humanité vit désormais dans des milieux urbains.

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