L'économie verte déraille à Rio+20


Entité: 
Le Monde
Date de la référence: 
20 Juin, 2012

La conférence des Nations unies sur le développement durable, qui doit se dérouler du mercredi 20 au vendredi 22 juin à Rio de Janeiro, sera-t-elle jouée avant même d'avoir débuté ? Alors que 130 chefs d'Etat et de gouvernement sont attendus dans la mégalopole brésilienne pour participer à ce rendez-vous planétaire - baptisé "Rio+20" en référence à la tenue dans les mêmes lieux, en 1992, du sommet qui avait véritablement lancé le concept du développement durable -, les négociateurs devaient tenter, mardi 19 juin, d'aboutir à un accord sur le projet de déclaration finale.
A défaut d'être ambitieuse, dans un contexte économique international très défavorable, cette déclaration, intitulée "L'avenir que nous voulons", permettra aux 193 Etats participants de réitérer certains de leurs engagements passés, dont certains datent de 1992, d'avancer dans quelques domaines, comme la gouvernance de la haute mer, et de lancer un processus en vue de la définition d'Objectifs du développement durable dont le contenu reste entièrement à préciser.

LE BRÉSIL S'IMPOSE

Elle consacre également la montée en puissance des pays émergents, qui ont réduit à sa plus simple expression le concept d'économie verte dont les pays industrialisés et les institutions internationales voulaient faire un des éléments centraux de Rio+20. Les pays du sud, et notamment le Brésil, craignaient d'y trouver un frein à leur développement et soupçonnaient une manœuvre des pays riches afin d'imposer leurs savoir-faire et leurs technologies, sous couvert de considérations environnementales.

En prenant, en tant que pays-hôte, la présidence de négociations menées jusqu'alors sous l'égide des Nations unies et sérieusement enlisées, samedi 16 juin, le Brésil avait annoncé son intention d'obtenir un accord au plus tard lundi soir. Cette volonté a surpris un certain nombre d'acteurs des négociations. Selon ceux-ci, elle s'explique par le désir de la présidente brésilienne, Dilma Rousseff, d'éviter à ses pairs une répétition de la conférence sur le climat de Copenhague, en 2009, où l'incapacité des négociateurs à trouver un accord dans les délais impartis avait obligé les chefs d'Etat et de gouvernement présents à négocier eux-mêmes les termes d'une déclaration d'intention.

Il s'agit aussi, sans doute, de démontrer la capacité du Brésil à jouer un rôle majeur sur la scène internationale, et ce en plein sommet du G20 à Los Cabos (Mexique). Pourtant, malgré des séances de travail menées à marche forcée, un accord sur le texte de cinquante pages qui devrait constituer la déclaration finale de Rio+20 n'a pu être trouvé lundi, en raison d'un bras de fer entre le pays-hôte et l'Union européenne (UE).

LA CRISE PÈSE SUR LES NÉGOCIATIONS

Lundi soir, après un échange avec le ministre brésilien des affaires étrangères, Antonio Patriota, qualifié de "courtois mais très vif" par la ministre française de l'écologie, Nicole Bricq, la délégation européenne a bloqué le processus de négociations, qui nécessite l'unanimité des participants.

L'UE reprochait notamment au texte un manque d'ambition sur les Objectifs du développement durable et la gouvernance mondiale. Les discussions, interrompues tard dans la nuit, devaient reprendre mardi matin.

Le cycle de négociations, qui a débuté en janvier, a pâti de la crise financière et de l'incapacité des pays industrialisés à prendre des engagements financiers clairs ainsi que l'exigeaient les pays du sud. La perspective de l'élection présidentielle a par ailleurs conduit l'administration américaine à adopter des positions plutôt conservatrices et Barack Obama à s'abstenir de faire le déplacement jusqu'à Rio.

La chancelière allemande Angela Merkel et le président chinois Hu Jintao seront également absents, alors que François Hollande arrivera mercredi, et repartira pour Paris après avoir déjeuné avec Dilma Rousseff et prononcé un discours devant la conférence des Nations unies.

Pour les organisations non gouvernementales, le résultat de la conférence est d'ores et déjà décevant. L'association humanitaire Care parle ainsi d'un "trou noir" et critique "un manque d'ambition et une absence de substance".

Mais que pouvait-on attendre de plus ? "Rio+20, ce sera au mieux un programme d'actions, prévenait, début juin, un diplomate. Après vingt années d'incantations, on ne peut pas espérer arriver, en seulement six mois, à quelque chose de plus ambitieux." En comparaison avec le sentiment d'urgence diffusé par les nombreux experts présents à Rio, qui s'inquiètent - presque unanimement - des dangers qui menacent l'humanité si celle-ci ne parvient pas à adapter ses modes de production et de consommation à la raréfaction des ressources, combinée à la croissance démographique, les décisions concrètes qui émergeront de ce sommet risquent de paraître bien timorées.

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