Sommet Rio+20: de modestes ambitions
L'enthousiasme et l'ambition qui présidaient au Sommet de la Terre de Rio en 1992, au lendemain de la chute du rideau de fer, ont cédé leur place à la morosité et au pessimisme, 20 ans plus tard. Difficile d'éviter un constat d'échec sur les enjeux comme le climat et la biodiversité. Les ambitions du sommet Rio+20, qui s'amorce mercredi, s'annoncent modestes. Aperçu en trois temps.
130 chefs d'État
C'est le nombre de chefs d'État et de gouvernement qui doivent se rendre à Rio pour prendre part à la Conférence des Nations unies sur le développement durable. Cependant, plusieurs leaders mondiaux brilleront par leur absence.
Le président français François Hollande est le seul dirigeant d'un pays du G7 attendu à Rio. Accaparé par la campagne présidentielle, Barack Obama n'y sera pas, mais il y a délégué la secrétaire d'État Hillary Clinton. Le premier ministre britannique David Cameron et la chancelière allemande Angela Merkel n'y seront pas non plus. Les deux invoquent la situation économique précaire en Europe.
Le Canada sera représenté par le ministre de l'Environnement Peter Kent. Le gouvernement du Québec y délègue le ministre du Développement durable, de l'Environnement et des Parcs, Pierre Arcand. Le député du Parti québécois et ancien chef du Parti vert du Québec, Scott McKay, l'accompagnera.
En revanche, les économies émergentes seront présentes en force au sommet de Rio. La participation du président chinois Hu Jintao n'est pas exclue. Le premier ministre indien Manmohan Singh y sera.
Mais l'Inde et d'autres pays émergents demeurent braqués contre toute tentative d'enrayer leur économie au nom de l'environnement. «Nous n'accepterons des normes vertes que si elles sont volontaires, non contraignantes», a annoncé cette semaine la ministre indienne de l'Environnement et des Forêts, Jayanti Natrajan.
Un thème : l'avenir que nous voulons
Le thème de Rio+20 se conjugue sur deux axes: la transition vers une économie verte et l'amélioration du cadre institutionnel du développement durable.
Concrètement, plusieurs propositions seront débattues, par exemple la fin des subventions aux énergies fossiles.
Un certain consensus est possible. Des grandes institutions internationales s'ouvrent en effet en ce sens.
La directrice générale du Fonds monétaire international (FMI), Christine Lagarde, a dit que le monde traversait simultanément trois crises: économique, sociale et environnementale. Et qu'il était temps d'arrêter de subventionner des «systèmes énergétiques polluants». «Ces subventions sont coûteuses pour les budgets et coûteuses pour la planète», a-t-elle déclaré mardi à Washington.
Cependant, le succès paraît difficile sur plusieurs sujets. Le Groupe des 77, qui regroupe les pays en voie de développement et la Chine, a rompu cette semaine des discussions préparatoires en vue de la mise sur pied d'un fonds mondial de soutien à l'économie verte. La crise financière freine la générosité des pays riches, qui rechignent aussi à faciliter les transferts technologiques.
La conférence de Rio «va être difficile, nous savons qu'il y a des risques, des risques de paroles prononcées qui ne se retrouveront pas dans des actes, le risque de la division entre pays développés, pays émergents, pays pauvres, le risque de l'échec parce qu'il peut y avoir d'autres urgences», a souligné cette semaine le président français François Hollande.
Le Canada se présente à Rio quelque mois après s'être retiré du protocole de Kyoto. Dans le document officiel qui détaille ses intentions pour le sommet, aucune proposition concrète. Néanmoins, le pays «se réjouit à la perspective de collaborer de façon constructive à une conférence réussie menant à des résultats concrets et pratiques».
Deux participants pessimistes
William Rees ne devait pas aller à Rio. Ce professeur à l'Université de Colombie-Britannique, inventeur du concept d'empreinte écologique, s'y rend finalement pour recevoir un prix. Mais il n'a «pas de grandes attentes».
«Les gouvernements sont extrêmement réfractaires à changer quoi que ce soit pour aider l'environnement, spécialement quand il y a du marasme économique, dit-il en entrevue avec La Presse. Mais cela ne tient pas debout: l'économie ne peut pas exister sans un écosystème fonctionnel. Le monde se met la tête dans le sable à ce sujet. On fait des grandes conférences, on signe des traités, mais ils ne sont pas mis en oeuvre.»
Patrick Bonin, directeur climat-énergie à l'Association québécoise de lutte contre la pollution atmosphérique (AQLPA) se rend à Rio pour suivre la conférence de l'ONU et aussi le Sommet des peuples qui se déroule en parallèle.
«Je vais suivre la position canadienne de près et m'assurer que le Canada apparaît sous son vrai jour avec les coupes massives en environnement et les modifications radicales contenues dans le PL C-38», dit-il.
Il ne cache pas son pessimisme quant aux résultats. «On souhaite qu'il y ait une réponse politique à l'urgence environnementale. Mais à voir les difficultés qu'on a actuellement, on est inquiets. Sur un texte de 80 pages, on s'entend sur environ 20 %.» Il croit néanmoins qu'il y a «plus d'avenir pour un développement économique différent».