Charest sévèrement critiqué à Rio pour son Plan Nord


Entité: 
La Presse
Date de la référence: 
17 Juin, 2012

Le premier ministre Jean Charest a été sévèrement critiqué, dimanche soir, sur la scène internationale, pour son Plan Nord.

Invité à présenter son projet de développement nordique à Rio de Janeiro, au Brésil, en marge de la Conférence des Nations unies sur le développement durable, il a été interpellé par la présidente de l'Initiative boréale canadienne, après avoir été louangé par un groupe écologiste américain.

Suzann Méthot a pris la parole à la suite du premier ministre devant un parterre d'une bonne centaine de personnes, dont plusieurs arboraient le carré rouge de la contestation étudiante. Elle a déploré que la protection des territoires et les consultations des populations soient négligées au profit de l'activité industrielle au nord du 49e parallèle, la vaste zone de 1,2 million de km2 touchée par le Plan Nord.

Un an après le lancement du Plan Nord, en mai 2011, «notre analyse indique que les aspects de conservation et les aspects qui ont trait aux populations ne vont pas à la même vitesse que le développement économique pour lequel on investit déjà beaucoup. Donc on a du rattrapage à faire», a-t-elle lancé à M. Charest qui était assis à la même table. Ainsi, a-t-elle illustré, on est passé d'une dizaine de projets miniers à plus d'une vingtaine en un an.

Mme Méthot a précisé les correctifs à apporter. Sur les 50 pour cent du territoire du Plan Nord qui doit être protégé de l'activité industrielle, elle souhaite que le projet de loi 65, sur cette question, soit plus précis sur les activités industrielles interdites. Elle veut aussi qu'aboutisse la réforme de la loi sur les mines, actuellement bloquée par l'opposition péquiste, pour que l'exploration minière soit assujettie à l'évaluation environnementale. Mme Méthot demande aussi à ce que les gouvernements autochtones soient respectés, et qu'une plus large partie de la population soit consultée.

«Il n'y a jamais eu de rencontre directement avec la population», a-t-elle déploré dans un point de presse après l'activité. «Les gens ne savent pas ce que c'est. Ils sont dans l'ignorance. Quand on est ignorant d'une chose, on en a peur.»

Elle a plaidé en faveur d'une vaste tournée pour que la population s'approprie le Plan Nord, un peu comme le projet hydro-électrique de la Baie James dans les années 1970. Elle est du reste convaincue que le Plan Nord «sera un enjeu électoral», à l'instar de la nationalisation de l'électricité en 1962.

«Je n'ai jamais douté des engagements de M. Charest» à faire du Plan Nord un projet respectueux des règles du développement durable, les conditions sont réunies pour arriver à des résultats, mais il faut être prêt à «agir différemment», sinon le Plan Nord va «retomber dans de vieux modèles de développement», a-t-elle dit.

Dans une période de questions qui a suivi les échanges, M. Charest a reconnu qu'il y aura toujours «un inventaire de défis et de difficultés, mais qu'il ne faut pas interpréter ces défis comme la seule partie de l'équation».

M. Charest a reçu des appuis solides durant cette soirée, notamment du Pew Environment Group, un organisme américain qui se consacre notamment à la sauvegarde des forêts. Son président, Mat Jacobson, a affirmé que la population du Québec et son gouvernement avaient la «détermination, la vision et le leadership» qu'il fallait en matière environnementale. Il a pu se vanter d'avoir pu faire pression personnellement sur M. Charest pour qu'il précise la définition des activités industrielles interdites dans le projet de loi sur cet enjeu.

Une des personnes qui a posé des questions dans l'assistance a d'ailleurs reproché à M. Charest de ne pas donner le même accès aux étudiants, un écho de l'affrontement qui se poursuit entre les associations étudiantes et le gouvernement.

Enfin, un élu de la Nouvelle-Calédonie, Anthony Lecren, a félicité et remercié le premier ministre pour l'exemple que donne le Plan Nord. Il ne faut surtout pas «décourager ce projet» et il faut se rappeler que le mieux est l'ennemi du bien».

Un peu plus tôt en journée, M. Charest avait laissé entendre que le gouvernement Harper devrait tirer leçon de l'un de ses prédécesseurs conservateurs, Brian Mulroney, dans le domaine de l'environnement.

Jean Charest était ministre de l'Environnement sous Brian Mulroney et chef de la délégation canadienne en 1992 au moment de la première Conférence de Rio, où le Canada avait joué un «rôle de leader», selon lui.

En point de presse, dimanche après-midi, sur le toit d'un chic hôtel de Rio face à la mer, M. Charest a rappelé que le Canada avait alors choisi de ne pas s'aligner sur les États-Unis mais de donner l'exemple. Or, M. Charest reproche aujourd'hui au gouvernement Harper de s'aligner sur le gouvernement américain en matière de réduction des gaz à effet de serre.

«Nous (le fédéral et le Québec) ne sommes pas du tout du même avis (sur la question des GES), a répété M. Charest. Le fédéral a pris une position selon laquelle il devait suivre le lead américain. J'étais ici il y a 20 ans et c'était exactement le contraire. Le gouvernement Mulroney avait une position selon laquelle le Canada devait être leader si on voulait que l'Europe et les Américains bougent. Il fallait que nous, nous fassions la démonstration, que nous étions prêts à poser des gestes.»

Il a rappelé qu'à l'époque, le Canada avait appris de la crise des pluies acides, où il avait mené une «bataille en règle contre Washington», pour la réduction des So2, et c'est ce qu'avait incité Ottawa à poursuivre sur sa lancée.

M. Charest s'est dit fier d'avoir été le ministre de l'Environnement de l'«un des premiers ministres les plus verts que le Canada a eus».

Selon lui, le Canada «n'est pas au bon endroit» actuellement sur la question de la réduction des GES. Il souhaite que le Canada fasse davantage le lien entre l'économie et l'environnement.

Le premier ministre québécois est à Rio en vue de la Conférence des Nations unies sur le développement durable et la biodiversité, le Rio+20, qui aura lieu du mercredi au vendredi.

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