Rio de Janeiro, Brésil, 19 juin 2012


Entité: 
Délégation Québécoise à Rio
Date de la référence: 
20 Juin, 2012

COMMUNIQUÉ DE PRESSE - POUR DIFFUSION IMMÉDIATE

Alors que le Premier Ministre du Québec Jean Charest présente le Plan Nord comme un modèle à suivre en termes de développement durable, les organisations de la société civile québécoise critiquent ce projet à Rio+20. Dimanche le 17 juin, le Premier Ministre du Québec présentait le Plan Nord au Forum des Parties Prenantes associé à la Conférence des Nations Unies sur le développement durable. À son arrivée, Jean Charest a été accueilli par une trentaine de personnes arborant le carré rouge, sceptiques quant à la présentation qu’il s’apprêtait à faire. Visiblement, deux visions du projet « d’une génération » du gouvernement se confrontent à Rio+20. D’un côté, Jean Charest présente son Plan Nord comme un modèle de développement durable que devrait suivre d’autres États. De l’autre, les représentants de la société civile soulignent les impasses de ce projet. En effet, dans l’espace du Sommet des Peuples, la délégation de la société civile québécoise présentait le 18 juin un atelier intitulé « Industries extractives, droits des autochtones et environnement : le cas du Plan Nord au Québec ».
Tandis que Jean Charest présente d’abord et avant tout le Plan Nord comme une opportunité de préserver 50% du territoire qu’il comprend, plusieurs experts estiment quant à eux qu’il s’agit plutôt d’une vaste opération de marketing ouvrant la porte à des mégaprojets de développement minier. Selon Suzann Méthot, les opérations d’exploration et d’exploitation minières ont déjà pris beaucoup d’avance par rapport à celles de protection du territoire. D’ailleurs, le territoire au nord du 49e parallèle est non seulement caractérisé par un écosystème fragile (forêt boréale) mais est également encore mal connu. « Il serait important d’apprendre avant tout à connaître les particularités et enjeux du territoire qui s’étend sur 6100 km2 (soit deux fois la superficie de la France), afin d’en planifier d’abord la protection », propose un membre de la délégation québécoise de la société civile.

Par ailleurs, le gouvernement Charest présente le Plan Nord comme ayant reçu le soutien et l’approbation des Premières Nations, ce qui n’est pas le cas. La majorité des communautés n’ont pas été consultées et seules certaines communautés Cries et Innus ont pu s’exprimer sur le projet. Selon Andrée-Anne Vézina, coordonnatrice de l'Institut du développement durable des Premières Nations du Québec et du Labrador (IDDPNQL), « le processus de consultation est incomplet, plusieurs nations ont été laissées de côté, pourtant l’application du Plan Nord aura un impact majeur sur leurs droits et leur rapport au territoire ». Les Premières Nations doivent donner leur plein consentement à l’exploitation des ressources sur leurs terres ancestrales et être assurées d’en retirer des bénéfices nets à court et long terme.

L’atelier de la délégation québécoise de la société civile à Rio+20, avait pour objectif d’ouvrir un espace inclusif de discussion collaborative sur le Plan Nord et ses enjeux sociaux et environnementaux. Une centaine de personnes étaient présentes afin de définir les principes et les valeurs qui devraient être mise au cœur d’un projet de développement juste du Nord du Québec. Car pour l’ensemble des personnes présentes, le Plan actuel proposé par le gouvernement ne va pas dans la bonne direction, pour plusieurs raisons. L'intérêt privé ne doit pas conduire à l'élaboration de politiques publiques. Les industries extractives ne doivent pas avoir plus de pouvoirs que le gouvernement et la population, qui n’est d’ailleurs ni véritablement consultée, ni entendue. Le Plan Nord tombe dans le piège de la séparation de l'humain, de l'environnement et de l'économie, il conduit à la division entre les communautés et mise sur un mode de développement axés sur l’exploitation des ressources non renouvelables et fondé sur la croyance en la croissance économique infinie. Autant de principes qui vont à l’encontre d’un réel développement durable des peuples.

Le respect (de la terre mère, des droits humains, des cultures et des communautés du nord et du Québec dans son ensemble) est apparu comme une valeur fondamentale devant guider un tel projet. Ce qui suppose l’établissement d’un véritable dialogue, fondé sur le principe de transparence, qui donne lieu à la mise en œuvre d’une démocratie participative permettant à chacun de prendre part au processus de décision. Par ailleurs, un consensus s’est formé autour de la nécessité de construire ce projet de développement autour des principes de justice sociale, du développement local et communautaire ainsi que de l’équité entre les générations et les peuples.

Afin de mettre en œuvre ces principes, il est essentiel d’exiger dès maintenant un moratoire sur le plan actuel du gouvernement de manière à prendre le temps d’élaborer un véritable projet de développement juste fondé sur un partage équitable des richesses. Ce nouveau plan ne serait pas celui d’une seule génération, mais serait construit selon une approche multi-générationnelle qui prend en compte les besoins des communautés. Il générerait des emplois sur le long terme grâce à l’implantation locale d’usines de 2ème et de 3ème transformation des ressources brutes extraites du sous-sol. Ce projet de société serait élaboré et mis en œuvre de manière inclusive, participative et solidaire. La gouvernance participative et le principe de subsidiarité constituent les valeurs fondamentales qui doivent guider le processus de mise en valeur du territoire et des ses ressources. Afin de garantir l’intégrité d’un tel processus, il convient de créer une Commission de vérification de l'éthique des acteurs impliqués dans l’extraction, ainsi que deux commissions représentatives (portant sur les générations et la nature). Un tel projet devrait mettre de l’avant en priorité un renforcement des capacités des individus et des collectivités, une éducation au territoire et aux Premières Nations, ainsi qu’une réelle coopération entre les collectivités.

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