La forêt brésilienne, au cœur d’une âpre bataille avant Rio+20


Entité: 
Le Monde
Date de la référence: 
28 Mai, 2012

Le 16 mai 2012
C'est un conflit de longue date qui vient de monter d'un cran. Depuis deux semaines, les défenseurs de l'environnement exhortent la présidente du Brésil Dilma Rousseff à mettre son veto à une loi controversée ouvrant la voie à une déforestation accrue en Amazonie. Mercredi, 1,7 million de personnes avaient signé une pétition contre ce texte qui embarrasse le pays, presque un mois avant le sommet Rio+20 sur le développement durable.

La mobilisation, entraînée par des OGN écolos, des réalisateurs (comme le cinéaste Fernando Meirelles) ou des hommes politiques (à l'instar de l'ex-ministre de l'environnement Marina Silva), s'est accélérée le 26 avril, lorsque la chambre des députés a définitivement approuvé, à une large majorité, une réforme du code forestier du pays, dans la foulée du vote du Sénat en novembre, mettant ainsi fin à près de trois ans de discussions et revirements.

Cette nouvelle législation, poussée devant le Congrès par le puissant lobby agricole (l'agriculture représente 5 % du PIB du pays), prévoit d'amnistier les propriétaires qui ont illégalement défriché des forêts par le passé et de permettre une déforestation dans des zones qui étaient auparavant protégées, comme les berges des rivières ou le sommet des collines. Surtout, la "réserve légale" - la superficie qu'un propriétaire ne peut pas exploiter - se verrait réduite, passant de 80 % à 50 % dans les Etats d'Amazonie, considérée comme le poumon vert de la planète.

Selon les groupes de défense de l'environnement, ce projet pourrait conduire à la destruction de 220 000 kilomètres carrés de forêt tropicale amazonienne, soit la taille combinée des forêts de la France et du Royaume-Uni. Une étude de l'université de Brasilia estime même que la nouvelle loi pourrait augmenter de 47 % la déforestation d'ici à 2020, constituant une menace pour les engagements du pays.

En 2009, le gouvernement a en effet promis de réduire de 36 % ses émissions de CO2 d'ici à 2020. Près des deux tiers de cette baisse devraient provenir d'une réduction de 80 % de la déforestation de l'Amazonie et de la région du Cerrado. Si les mesures de protection des forêts, et notamment la traque de la déforestation illégale par satellite, ont pour l'instant porté leurs fruits - le déboisement en Amazonie a été réduit de 27 000 km2 en 2004 à un peu plus de 6 000 en 2011 (voir l'infographie de la BBC) -, la tendance pourrait s'inverser, prévient l'Institut national d'observation des espaces brésilien (INPE).

Avant d'entrer en vigueur, la réforme du code forestier doit toutefois être approuvée par Dilma Rousseff. Les ONG et une majeure partie de la société civile espèrent que la présidente cèdera à la pression internationale alors qu'elle accueille le Sommet de la Terre de l'ONU du 20 au 22 juin. Plus de 125 chefs d'Etat ainsi que 45 000 délégués, attendus à cette immense conférence, doivent en effet s'engager à protéger les forêts et développer l'"économie verte". "La présidente analysera avec beaucoup de sérénité, sans animosité" la possibilité d'opposer son veto au moins à certains articles, a déclaré le ministre de la Présidence Gilberto Carvalho, un proche de Dilma Rousseff.

La présidente brésilienne a jusqu'au 25 mai pour faire son choix : s'opposer à ce projet de loi et s'exposer aux foudres du Congrès ou ne pas tenir ses promesses de lutte contre la déforestation, l'un de ses principaux thèmes de campagne, lors de l'élection présidentielle.

Étiquettes