La route de Rio+20: la planète, les puissants et les peuples
Attac France, le 16 Avril 2012
Quarante ans après la Conférence Internationale de Stockholm sur l’environnement en 1972, vingt ans après le Sommet de Rio sur l’environnement et le développement en 1992, l’Assemblée générale des Nations unies a convoqué une nouvelle Conférence internationale sur le développement durable, qui se tiendra à Rio de Janeiro, au Brésil, du 20 au 22 juin 2012. Quel est l’état de la planète ? Quel est le bilan de plus d’un demi-siècle de conférences et de politiques internationales de l’environnement ? Que vont tramer les puissants à ce nouveau sommet ? Quelles sont les exigences et les alternatives qui s’exprimeront au Sommet des peuples?
Un réchauffement climatique qui pourrait atteindre 6° en 2100 selon les modèles les moins optimistes, 60 % des écosystèmes de la planète dégradés ou gérés de façon non soutenable, des mers qui se vident de poissons, un pic du pétrole conventionnel déjà atteint en 2006 annonçant un difficile avenir énergétique, un taux de disparition des espèces mille fois supérieur au taux d’extinction de périodes géologiques ordinaires, 25 % des plantes à fleurs menacées d’extinction… la planète est en danger.
Les scientifiques parlent ainsi désormais de l’anthropocène pour désigner la nouvelle ère géologique née avec la révolution industrielle qui a fait de l’espèce humaine une force géologique majeure et perturbatrice sur la planète. La crise écologique planétaire actuelle trouve ses origines dans un modèle de développement et un système énergétique nés avec la révolution industrielle. Tous les indicateurs en montrent une aggravation exponentielle depuis 1945, avec des modes de production, d’échange et de consommation de masse… pour une minorité de la population mondiale. Au cours de la seconde moitié du XXe siècle, le pétrole est devenu la source majeure d’énergie, permettant le règne de l’automobile mais aussi la mécanisation et la chimisation d’une agriculture productiviste. Des millions de tonnes de déchets, gaz à effet de serre et polluants industriels ont été émis, menaçant les équilibres du climat et les écosystèmes.
Un Sommet des peuples et une journée d’action globale pour imposer nos voies alternatives !
Face à la conférence officielle, les mouvements sociaux et écologistes brésiliens ont décidé d’organiser un Sommet des peuples « pour la justice sociale et écologique, contre la marchandisation de la vie et pour la défense des biens communs » qui se déroulera du 15 au 23 juin, au centre de Rio de Janeiro. Construit comme un espace alternatif, autonome et parallèle à la conférence officielle, il aura pour objectif d’élaborer des propositions, positions et campagnes communes permettant d’établir une déclaration des peuples alternative à la déclaration des chefs d’État ou de gouvernement. Pour aller plus loin, lire page 4.
Dès l’immédiat après-guerre, la question environnementale avait pourtant fait son apparition à l’agenda mondial. Les États-Unis, l’URSS et les puissances coloniales rivalisent alors sur la mobilisation intensive des ressources de la planète. Lors des premières conférences des Nations unies, on parle un peu de protection de la nature, mais surtout de grands projets d’aménagement, d’« usage optimal » des ressources. Malgré les critiques autour des « limites de la croissance » et la montée des mouvements écologistes, la poursuite de modèles économiques sans considération pour les équilibres écologiques ne sera pas remise en cause, souvent sous prétexte de l’accès au développement des pays du Sud. À partir du milieu des années 1970, le génie génétique doit permettre de nourrir la planète avec moins de pétrole, tandis que la « nouvelle économie » et les technologies de l’information sont censées réduire l’empreinte écologique de l’économie.
À présent, pour masquer le désastreux bilan de l’ambitieux Sommet de la Terre de Rio en 1992, la nouvelle promesse qui doit prendre la relève c’est « l’économie verte ». Présentée par le PNUE (Programme des Nations unies pour l’environnement) comme « une économie qui entraîne une amélioration du bien-être humain et de l’équité sociale tout en réduisant de manière significative les risques environnementaux et la pénurie de ressources », elle pourrait résoudre l’ensemble des crises actuelles. Pourtant, sauf à croire aux contes merveilleux, difficile d’imaginer que les politiques, instruments et logiques qui ont suscité les crises actuelles puissent les résoudre. Les populations sont toujours perçues comme incapables de gérer des biens communs.
Les États et les Nations unies étant désargentés, c’est par l’action des entreprises et des banques, et grâce à la « finance innovante » et aux instruments de marchés, que la planète va être préservée et la nature « bien gérée ». Les 500 personnes les plus riches du monde ont un revenu combiné plus important que celui des 416 millions les plus pauvres et les 2,5 milliards d’individus vivant avec moins de 2 dollars par jour obtiennent 5 % du revenu mondial, alors qu’ils représentent 40 % de la population mondiale. Les 10 % les plus riches, qui vivent presque tous dans des pays à revenu élevé reçoivent 54 % du revenu mondial.
Malgré cela, il ne sera pas question à Rio de la « transition juste » demandée par les syndicats. Pas plus que de justice environnementale exigée par les populations victimes de la spéculation sur les matières premières, de la spoliation de leurs terres, de la dégradation de leur milieu ou de la crétinisation publicitaire qui les somme de consommer des objets qui sont loin d’apporter une vie meilleure. Pour les promoteurs de l’économie verte, la Conférence Rio+20 n’est qu’une nouvelle étape visant à intégrer la nature dans un sous-système du système financier mondialisé.