Rio + 20 : la parole à la société civile
La société civile se prépare à présenter plusieurs pistes de réflexion sur l’avenir de notre planète à l’occasion du Sommet des peuples, qui aura lieu à Rio de Janeiro en juin prochain, parallèlement à Rio+20 – la conférence des Nations unies sur le développement durable. En voici quelques-unes.
Premièrement, la défense des biens communs de l’humanité comme réponse à la marchandisation, à la privatisation et à la financiarisation de la vie. Les biens communs sont des biens produits par la nature ou par des groupes humains, qui doivent appartenir à la collectivité et non au secteur privé ou à l’Etat, même s’il incombe à ce dernier de participer à leur protection. Ils sont le contrepoint du développement capitaliste et non un simple accessoire comme l’est le concept de développement durable. Parmi les biens communs, on compte l’air, l’eau,les aquifères [couche de terrain contenant de l’eau], les cours d’eau, les océans, les lacs, la terre communale ou ancestrale, les semences, la biodiversité, la langue, le paysage, la mémoire, la connaissance, Internet, le langage HTML, les logiciels libres, Wikipédia, l’information génétique, etc. L’eau commence à être considérée comme un bien commun par excellence. Les combats contre sa privatisation dans plusieurs pays figurent parmi ceux qui remportent le plus de victoires.
Deuxièmement, le passage graduel d’une civilisation anthropocentrique à une civilisation biocentrique. Cela implique de reconnaître les droits de la nature ; de redéfinir le bien-être et la prospérité de façon à ne pas dépendre de la croissance infinie ; de promouvoir des énergies véritablement renouvelables (les agrocarburants n’en font pas partie) qui n’impliquent pas l’expulsion des paysans et des populations autochtones de leurs terres ; d’imaginer des politiques de transition pour les pays dont les finances sont trop dépendantes de l’extraction et de la production de matières premières – pétrole, minerais ou produits agricoles en monoculture dont les prix sont contrôlés par des grandes entreprises monopolistiques du Nord.
Troisièmement, défendre la souveraineté alimentaire, principe selon lequel, dans la mesure du possible, chaque communauté doit avoir le contrôle des biens alimentaires qu’elle produit et qu’elle consomme, en rapprochant les consommateurs des producteurs, en préservant l’agriculture paysanne, en favorisant l’agriculture urbaine, en interdisant la spéculation financière sur les produits alimentaires. La souveraineté alimentaire implique également d’interdire l’achat massif de terres arables (notamment en Afrique) par des pays étrangers (Chine, Japon, Arabie Saoudite, Koweït, etc.) ou des multinationales (à l’image du projet du sud-coréen Daewoo d’acquérir 1,3 million d’hectares à Madagascar).
Quatrièmement, la consommation responsable, qui suppose une nouvelle éthique et une nouvelle éducation : la responsabilité vis-à-vis de ceux qui n’ont pas accès à une consommation minimale pour garantir leur survie ; la lutte contre l’obsolescence artificielle des produits ; la préférence pour des produits issus d’économies sociales et équitables basées sur le travail et non sur le capital, sur l’accomplissement personnel et collectif et non sur l’accumulation infinie ; la préférence pour des consommations collectives et partagées autant que possible ; une meilleure connaissance des processus de production, de façon à pouvoir refuser de consommer des produits fabriqués au prix d’une exploitation des travailleurs, de l’expulsion de paysans et d’autochtones, de la pollution de l’eau, de la destruction de lieux sacrés, d’une guerre civile ou encore d’une occupation de type colonial.
Cinquièmement, intégrer comme exigence dans toutes les luttes et toutes les propositions alternatives un approfondissement de la démocratie et de la lutte contre les discriminations sexuelles, raciales, ethniques et religieuses, et contre la guerre.
L’auteur
Proche du mouvement altermondialiste, il est l’un des intellectuels les plus en vue du monde lusophone. Il dirige le Centre d’études sociales de la prestigieuse université de Coimbra, au Portugal. Il tient une chronique régulière dans l’hebdomadaire Visão.