Un réchauffement de 1,6 degré pourrait condamner les glaces du Groenland


Entité: 
Le Monde
Date de la référence: 
13 Mars, 2012

La calotte nordique s'avère plus sensible à la hausse des températures, selon une étude
Par Stéphane Foucart, Le Monde

Que coûterait, in fine, l'incapacité de la communauté internationale à maintenir le réchauffement sous la barre des 2º C, par rapport au climat préindustriel ? Elle condamnerait à terme la calotte glaciaire du Groenland, dont la disparition se traduirait par une élévation du niveau moyen des mers d'environ sept mètres.

C'est en tout cas le résultat d'une étude publiée lundi 12 mars dans la revue Nature Climate Change, qui place le seuil de disparition inéluctable du grand inlandsis à 1,6º C d'augmentation de la température moyenne terrestre. Celle-ci a déjà augmenté de 0,8º C environ par rapport à la fin du XIXe siècle. La moitié du chemin a donc été parcouru.

Ces travaux contraignent à une révision drastique de la sensibilité des glaces du Groenland au réchauffement. La précédente étude sur le sujet, qui faisait jusqu'ici autorité, situait ce seuil entre 1,9º C et 5,1º C. Publiée en 2006, elle avait notamment contribué à établir à 2º C de réchauffement le seuil de danger - seuil mis en avant dans les négociations climatiques depuis fin 2009 et le sommet de Copenhague (Danemark).

Les négociations de Durban (Afrique du sud) ayant abouti, en décembre, au report à 2020 - au mieux - de tout accord contraignant de réductions des émissions de gaz à effet de serre, la majorité des spécialistes estiment désormais quasi impossible le maintien du réchauffement sous cette limite.

Cependant, franchir le seuil de 1,6º C établi par Alexander Robinson (Universidad Complutense de Madrid, Espagne) et ses collègues du Potsdam Institute for Climate Impact Research, ne provoquerait bien sûr pas une fonte instantanée de la calotte groenlandaise.

Ce processus est long. Les chercheurs ont tenté d'en calculer la vitesse, en fonction d'une température donnée. « Pour 2º C de réchauffement des températures estivales régionales [comparable au réchauffement moyen mondial selon les auteurs], ce qui est juste au-dessus du seuil de déglaciation, la fonte complète de la calotte prend cinquante mille ans, écrivent les auteurs. Par contraste, avec un réchauffement de 4º C, la calotte a besoin de huit mille ans pour fondre complètement et pour un réchauffement de 8º C, 20 % de l'inlandsis fond en seulement cinq siècles et la totalité disparaît en deux mille ans environ. »

Pour Gilles Ramstein, chercheur au Laboratoire des sciences du climat et de l'environnement (CEA, CNRS, université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines), qui n'a pas participé à ces travaux, « cette nouvelle estimation est certainement meilleure que la précédente ».

En effet, précise le chercheur, « elle tient compte de «rétroactions» qui n'étaient pas prises en compte auparavant ». Par exemple, la fonte de la calotte peut en abaisser l'altitude et la rendre en retour plus sensible encore au réchauffement.

Cependant, cette nouvelle estimation pourrait demeurer encore en deçà de la réelle sensibilité du Groenland au réchauffement. « Ces simulations ne prennent pas en compte des accélérations très fortes de la fonte sous forme de débâcles d'icebergs, phénomène bien connu dans l'étude des climats du passé. La calotte ne fond pas seulement comme une glace au soleil, explique M. Ramstein. Cette nouvelle évaluation est basée sur une physique plus complète, néanmoins, les auteurs se réfèrent aux transitions entre périodes glaciaires et interglaciaires, mais il s'agit de dizaines de milliers d'années : des temps longs par rapport à la rapidité et à l'ampleur de la perturbation que nous vivons aujourd'hui. »

De plus, si les chercheurs ont utilisé un modèle représentant le plus fidèlement l'inlandsis du Groenland, le travail mené n'a pas eu pour ambition d'en prédire de manière réaliste le devenir.

Les chercheurs n'ont ainsi pas simulé les effets de plusieurs scénarios de développement (plus ou moins émetteurs de CO2), à la manière des projections du Groupe intergouvernemental d'experts sur l'évolution du climat (GIEC), qui se traduisent par une augmentation au cours du temps des concentrations de gaz à effet de serre et des températures. « Nous avons simplement fixé la température à des niveaux donnés et nous avons observé la réponse de la calotte groenlandaise », explique Alexander Robinson.

Aujourd'hui, le Groenland perd environ 300 milliards de tonnes de glaces par an - essentiellement par effondrement des glaciers, qui avancent dans l'océan. C'est, déjà, l'une des causes importantes de l'élévation actuelle des mers, de quelque 3,2 mm/an.

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