UE-Canada : lobbying et libre-échange polluent la planète !
Par Attac France
Le 23 février 2012, aucune majorité qualifiée ne s'est dégagée parmi les représentants des 27 États de l'Union Européenne appelés à se prononcer sur les modalités de mise en œuvre de la directive sur la qualité des carburants. Adoptée en 2008, cette directive pourrait empêcher les carburants les plus polluants, tels que ceux issus des sables bitumineux[1] et des huiles de schistes, d'entrer en Europe. Sous la pression du Canada et des lobbies pétroliers, la France, l'Allemagne, le Royaume-Uni se sont abstenus, tandis que l'Italie ou l'Espagne ont voté contre le projet. La décision finale est renvoyée au Conseil de l'environnement qui se réunira en juin prochain.
Le Canada s'est «réjoui» du résultat, tout en réitérant ses menaces de traîner l’Union européenne devant l’Organisation mondiale du commerce (OMC) si elle venait à «discriminer» le pétrole issu des sables bitumineux, produit en Alberta. Engagés dans les négociations d'un *Accord économique commercial global (AECG), le Canada et l'Union Européenne multiplient les intimidations et interpellations croisées pour obtenir un accord de libre-échange qui soit le plus favorable possible pour leurs secteurs économiques et financiers respectifs[2]. *
Dans le cadre de cette négociation, le Canada a plusieurs fois laissé entendre qu'il n'ouvrirait ses marchés intérieurs qu'à condition que le pétrole issu des sables bitumineux puisse être exporté en Europe. En retour, cet accord permettrait d'intensifier les investissements directs des entreprises pétrolières européennes, comme Total, Shell, BP, Statoil, dans l'exploitation des sables bitumineux. Pour faire du Canada un «nouveau géant de l'or noir», le gouvernement canadien cherche à faciliter l'exportation de ce pétrole, coûte que coûte, aux États-Unis et en Europe, ses deux principaux marchés. Allié aux lobbies pétroliers, la diplomatie canadienne s'active donc depuis des mois, en multipliant les rencontres et évènements auprès des institutions européennes, pour empêcher toute restriction, limitation, encadrement de l'importation de ce pétrole de la part de l'Union Européenne.
Le gouvernement canadien est manifestement arrivé à ses fins, bien aidé par le peu d'entrain des pays européens à prendre des mesures réellement contraignantes en matière environnementale. En soutien d'Attac Québec et de la société civile canadienne mobilisée contre cet Accord économique commercial global, Attac France exige des gouvernements des pays européens qu'ils empêchent toute importation de ce pétrole sale en Europe. Ainsi, ils feraient d'une pierre deux coups : étrangler de l'extérieur l'industrie des sables bitumineux, l'une des plus dévastatrices qui existe ; stopper les négociations de ce nouvel Accord économique commercial global entre l'UE et le Canada qui va à l'encontre des intérêts des populations.
L'ensemble de ces questions fera l'objet de nombreux ateliers lors du Forum Alternatif Mondiale de l'Eau (14 – 17 mars) qui se tiendra à Marseille à l'initiative d'Attac France et de nombreux mouvements et organisations de la société civile internationale.
(www.fame2012.org
Attac France, Paris, le 5 mars 2012
[1]. Le pétrole issu des sables bitumineux est le plus polluant de la planète. Les émissions liées à son extraction sont estimées à 107 grammes d'équivalent CO2 par mégajoule contre 87,5 g pour le pétrole brut. Son exploitation, en plus de nécessiter la coupe de la forêt boréale sur des centaines de kilomètres carrés, requiert d'immenses quantités d'eau et d'énergie. L'écosystème dont vivait les populations locales est complètement dévasté et pollué et ces dernières développent d'alarmants taux de cancer.
[2]. Par exemple, les tarifs douaniers du Canada étant déjà faibles,*l'Union Européenne cible principalement les «barrières non tarifaires» pour faciliter l'accès de ses multinationales à des secteurs réglementés comme la santé, l'éducation et puissent candidater sur les marchés publics fédéraux ou provinciaux.