Réchauffement - Le bonnet d'âne


Entité: 
Le Devoir
Date de la référence: 
30 Novembre, 2011

Jean-Robert Sansfaçon 30 novembre 2011 Actualités sur l'environnement
C'était écrit dans le ciel, le Canada se retirera probablement avant l'échéance du protocole de Kyoto, auquel il avait adhéré sous le gouvernement de Jean Chrétien. Tout indique qu'il ne respectera pas non plus les engagements pris à Copenhague, ni même ceux de l'an dernier, à Cancún. Tout cela favorise le cynisme ambiant, mais le pire serait que, d'ici l'annonce officielle du retrait, ce gouvernement s'amuse à saboter les négociations en cours qui visent à prolonger le traité de deux années pour assurer la transition vers un nouvel accord.

Il y a deux façons d'analyser la position du Canada à la Conférence des Nations unies qui se déroule à Durban, en Afrique du Sud. La première consiste à prétendre qu'il serait un peu court de blâmer le Canada puisqu'il ne fait que suivre la voie tracée par de plus importants pollueurs que lui, comme les États-Unis, la Russie et le Japon. Tant que ces pays et d'autres encore, comme la Chine et l'Inde, s'opposeront à une entente contraignante, le Canada se tirerait une balle dans le pied en militant pour un après-Kyoto contraignant.

À l'inverse, l'autre analyse nous invite à croire qu'à titre de pays développé grâce à la qualité de ses institutions et à l'abondance de ses ressources, le Canada aurait tout à gagner à appartenir à l'avant-garde des pays qui travaillent à la protection de l'environnement et à l'amélioration de la qualité de la vie sur la planète. Le réchauffement climatique étant une menace pour les générations futures, c'est aujourd'hui qu'il faut agir. Loin de nuire à leur propre développement, les pays qui prendront l'initiative d'investir intelligemment dans l'innovation, les technologies vertes et les énergies alternatives seront aussi ceux qui profiteront le plus des retombées de la lutte contre les GES.

De ces deux visions, le gouvernement Harper a choisi la première, et ce, sans même se soucier des conséquences pour la réputation du Canada, pas plus que des conséquences pour l'avenir de mettre tous ses oeufs dans le panier des énergies fossiles.

Lundi, à Durban, le Canada s'est vu décerner non pas un, mais deux des trois prix Fossile de la journée décernés par le réseau des groupes environnementaux. Le troisième prix est allé au Royaume-Uni, pour avoir tenté de faire exclure le pétrole canadien de la catégorie des carburants les plus polluants de l'Union européenne. Presque un tour du chapeau!

Depuis l'arrivée des conservateurs au pouvoir, le Canada n'a à peu près rien fait d'important pour s'attaquer au réchauffement climatique. L'objectif des conservateurs est simple, voire simpliste. Le Canada a une priorité, celle d'accroître l'extraction de pétrole des sables bitumineux pour l'exporter. Et pour atténuer l'impact de cette activité, la seule chose qu'on a cru bon faire est de financer des projets-pilotes d'enfouissement du CO2. D'ici dix ans, les émissions de GES de l'Alberta auront triplé, alors qu'elles représentent déjà le tiers des émissions canadiennes!

De ce gouvernement allianciste et militariste acquis aux intérêts de l'industrie, on ne pouvait sans doute pas s'attendre à ce qu'il assume un rôle très constructif au sein de la communauté des défenseurs de l'environnement. Mais de là à ce qu'il profite, comme le veut la rumeur, de son statut de signataire du protocole de Kyoto encore actif pour saboter le travail de ceux qui veulent prolonger le traité le temps de négocier une nouvelle entente, voilà qui serait particulièrement méprisable et désastreux, tant pour la planète que pour la réputation du Canada.

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